La
traite des Noirs
L'emploi d'une main-d'œuvre servile d'origine africaine,
expérimentée, dès la fin du XVe siècle, par les Portugais pour
la mise en valeur de Madère, devient, au XVIe siècle, pour le
Nouveau Monde espagnol, une solution pour remplacer les Amérindiens massacrés.
Au XVIIe siècle, les besoins de l'économie sucrière dans le
Brésil portugais, puis l'implantation, par les
Français et les Britanniques, de colonies dans le nord du
continent et aux Antilles
intensifient la
demande. La traite des Noirs, d'abord confiée à de grandes
compagnies sous forme de monopole, devient, au XVIIIe
siècle, un trafic libre, principal maillon du " commerce
triangulaire " entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique :
achetés aux chasseurs d'esclaves blancs ou indigènes, les
esclaves (le " bois d'ébène ") sont payés en pacotille
(étoffes légères, coutellerie, verrerie, alcools) et
revendus dix fois leur prix aux colons du Nouveau Monde,
contre du sucre, du café, du tabac, toutes denrées très
chères en Europe. Malgré des pertes de l'ordre de 20 à 30 %
durant la traversée de l'océan Atlantique, les bénéfices
sont considérables pour les négriers et pour les armateurs,
principalement britanniques ou français, mais aussi
néerlandais et scandinaves. Au total, jusqu'à son
extinction, vers 1870, la traite aurait porté sur une
dizaine de millions de Noirs vendus outre-Atlantique (ce
chiffre ne comprenant ni les hommes morts en cours de route
ni ceux tués dans les guerres ou les razzias que la chasse à
l'homme provoquait en Afrique). Cette migration forcée,
tragique pour l'Afrique subsaharienne, a contribué à
façonner la personnalité du Nouveau Monde par ses apports
ethniques et culturels. Fondement d'une économie de
plantation qui fut longtemps la seule forme de mise en
valeur du continent (sucre, puis café au Brésil et aux
Antilles ; tabac, indigo, puis coton dans le sud des
États-Unis), le travail des esclaves autorisait la
prospérité et la prééminence d'une aristocratie de grands
planteurs, dont le style de vie fastueux est resté un
symbole de l'Amérique coloniale. En milieu anglo-saxon,
l'esclave est considéré sous un angle exclusivement
économique et la barrière des classes s'est doublée d'une
barrière des races interdisant le mélange des sangs. En
milieu latin, l'exploitation des esclaves, moins
systématiquement raciste, a davantage permis le métissage
des populations. Le cas des Antilles françaises est un peu
intermédiaire. La condition servile, souvent très dure, fut,
malgré l'opposition des colons créoles, adoucie par le "
Code noir " de Jean-Baptiste
Colbert
(1685), qui reconnaissait une âme à l'esclave et le protégeait
contre l'arbitraire d'un maître trop abusif, mais lui refusait
toute personnalité politique et juridique et prévoyait, en cas
de " marronnage " (fuite), une répression savamment graduée :
oreilles coupées, puis jarret sectionné, enfin peine de mort.
L'abolition de l'esclavage
Une réaction
humanitaire s'ébauche au XVIIIe siècle. Animée en Angleterre
par les Quakers puis par la société antiesclavagiste de
William Wilberforce, elle rencontre un large écho dans
l'opinion et au Parlement. En France, au contraire, la
protestation des philosophes et écrivains (Montesquieu l'abbé
Guillaume Raynal, Marivaux
reste isolée jusqu'à la
Révolution. En février 1794, sous l'impulsion de l'abbé
Grégoire, un décret de la Convention
abolit l'esclavage en
terre française. Mais, sous la pression de Joséphine
Bonaparte, le lobby des négriers et des planteurs obtient
son rétablissement dès 1802. La traite, supprimée par
l'Angleterre en 1807, est interdite par le traité de Vienne
(1815), mais survit sous forme clandestine pendant au moins
un demi-siècle, tant qu'il reste des marchés d'importation.
En effet, l'abolition de l'esclavage lui-même se heurte au
sacro-saint droit de propriété des colons. Il faut attendre
1833 pour que la Grande-Bretagne libère ses esclaves, imitée
par la France sous la Seconde République, à l'initiative de
Victor Schoelcher (1848), par les Pays-Bas et le Danemark
(1860), par les États-Unis (1865), par l'Espagne (1866),
enfin par le Brésil (1888). Aux États-Unis, où le roman antiesclavagiste de Harriet Beecher-Stowe ,La Case de l'oncle Tom (1852), obtient un énorme retentissement, le
problème de l'abolition est un élément majeur dans le
déclenchement de la guerre de Sécession (1861-1865).
En dépit d'une réprobation
universelle (conférences de Berlin, 1885, et de Bruxelles,
1889 ; pacte de la Société
des Nations , 1919 ;
Déclaration internationale des droits de l'homme, 1948), le
trafic des esclaves se maintient plus longtemps dans
l'Afrique orientale, en direction des royaumes ou émirats du
Moyen-Orient.
Aujourd'hui, de nouveaux
réseaux semblent s'être mis en place entre les pays
musulmans du sous-continent indien et d'Insulinde et la
péninsule Arabique. L'esclavage, officiellement proscrit, y
revêt de nouvelles formes.
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